L’Analyse Transactionnelle propose de très intéressantes clefs de lecture de notre construction psychique et de notre façon de fonctionner individuellement et relationnellement.
L’un de ces modèles qu’elle présente est celui des injonctions de Robert et Mary Goulding.
Les injonctions sont des messages exprimés non verbalement et non consciemment au petit enfant, qui les intériorise et les laisse limiter sa vie ensuite jusque dans l’âge adulte. Elles émanent des personnes proches de l’enfant, qui prennent soin de lui.
Prenons un exemple: Si le parent d’un jeune enfant éprouve de la gêne chaque fois qu’il se tourne vers lui, l’enfant perçoit ce signal et l’interprète. L’enfant peut interpréter cela comme le fait que sa présence n’est pas désirée, son existence est superflue. Il adapte ses attitudes pour « ne jamais déranger », il a intériorisé l’injonction « n’existe pas ». Devenu grand, ces souvenirs initiaux sont effacés, mais le sentiment profond de gêner demeure, la personne se sent mal à l’aise lorsqu’on fait attention à elle, elle interprète les signaux qu’elle reçoit de tout le monde à partir de cette croyance ( voir à ce sujet l’explication de ces processus en version « Ecoute Mutuelle »).
Voyons rapidement l’ensemble des Injonctions telles qu’elles sont répertoriées par Robert et Mary Goulding (d’autres classifications existent, celle-ci m’a inspirée ici) et la façon dont la pratique de l’Ecoute Mutuelle est une occasion de remettre en cause ces injonctions. Nous verrons dans un prochain article pourquoi cela n’est pas si simple et comment surmonter ces obstacles.
Certains éléments qui sont au cœur de la pratique ont un effet automatique, indépendamment du travail effectué réellement. Avoir du temps pour soi permet de contredire l’injonction de non existence, la liberté expérimentée pendant la session contredit l’interdit d’être soi, le partage égal du temps contredit l’injonction de ne pas être important, d’être secondaire. L’injonction de ne pas avoir de plaisir est contredite par les Tout Nouveau Tout Bon qui font partie de toute session, l’injonction « ne pense pas » qui dévalorise la réalité est contredite par le Retour au Présent. Ainsi, une pratique même « purement technique » de l’Ecoute Mutuelle est en soi un facteur de libération interne.
Les objectifs mis en avant par l’EM sont également favorable à la remise en cause des injonctions. En posant le travail sur les émotions comme fondamental dans la cicatrisation des blessures et en l’encourageant en formation et en session, l’EM contredit puissamment l’injonction « ne ressens pas ». En étant attentif aux réévaluations et aux prises de conscience, à la pensée libre créative, à l’exploration de toutes les options, l’EM met en difficulté les injonctions « ne pense pas ». L’EM valorise la prise de responsabilité et contredit ainsi « n’agis pas », « ne grandit pas », elle propose des processus de planification d’action qui sont un soutien direct contre l’injonction « ne réussit pas » ou « ne soit pas en bonne santé ». Les célébrations et le soutien mutuel qui sont impliqués dans ces processus renforcent encore cet effet.
Enfin, la pratique de l’EM a des conséquences naturelles qui sont la naissance d’un sentiment de proximité avec les autres et un sentiment d’appartenance dans la liberté, qui s’opposent agréablement aux injonctions « ne sois pas proche » et n’ « appartient pas ». Bien sûr, pour ces deux éléments, il est important, une fois les schémas de non proximité démasqués et travaillés, de chercher de la proximité et de l’appartenance dans des circonstances amicales, hors du cocon de l’EM. Des techniques comme le « jeu de rôle » contribuent à l’exploration de ces possibilités.
Nous voyons que la pratique même de la structure de la session permet de relativiser les Injonctions. Le contenu du travail évidemment y contribue également. On comprend facilement que le simple respect de la structure est un challenge pour les personnes qui ont subi des injonctions puissantes.
Pour reprendre la personne victime d’un « N’existe pas! », le fait même d’avoir du temps qui lui appartienne pleinement le met mal à l’aise. La personne risque de « meubler » ce temps ou de rejeter l’Écoute Mutuelle, « ça ne sert à rien », « c’est une perte de temps », « ce n’est pas pour moi ». Son partenaire risque peut-être de « l’aider » en envahissant son espace.
Que faire alors? Bien tenir la méthode, bien sûr, et utiliser la liberté du Travaillant et du temps de session pour exprimer son malaise, ses jugements, et ses résistances, pour faire tomber la pression et pour la décharger. Nous verrons cela dans un autre article.
Nous avons touché du doigt, ici, comment la pratique de l’Écoute Mutuelle est une façon très puissante de remettre en cause les Injonctions que nous avons reçues, et par la suite, de remanier nos scenarios de vie….